Dans le calendrier républicain français, le 10e jour du mois de thermidor, souvent notre 28 juillet, était dénommé jour de l’arrosoir.
La chantepleure est un petit arrosoir, généralement en terre cuite.
Elle se présente comme une sorte de poire creuse, perforée à la base. Pour la remplir, on la plonge dans l’eau, ce qui produit de nombreuses bulles : elle « chante ». Puis on bouche l’orifice supérieur avec le doigt et on le soulève pour laisser l’eau s’écouler en fine pluie : elle « pleure ».
Au Moyen Âge et à la Renaissance, elle permettait un arrosage délicat, idéal pour les plantes fragiles ou les semis :
© gallica.bnf.fr / BnF.
Paris, musée des arts décoratifs.
La ceinture brodée des lettres A et L de l’élégante jeune femme suggère qu’il s’agit peut-être d’Anne de Lusignan et de son époux, le duc Louis Ier de Savoie.
Une autre Anne, la poétesse Anne de Graville (vers 1490 – vers 1540), accompagne sa devise d’une chantepleure
« Musas natura, lacrymas fortuna » : « La nature m’a donné les muses, la fortune les larmes ».
À mi-chemin entre l’ustensile utilitaire et l’objet d’art, la chantepleure séduit encore de nos jours les artisans céramistes et les jardiniers amateurs.
Mais elle est aussi l’ancêtre direct de nos arrosoirs modernes à pomme.
Enfin, la composition si poétique de son nom a inspiré Robert Desnos :
Chantepleure
Chantecaille fleur des rues
Chantepie fleur des bois
Chanteloup fleur des eaux
Chantamour fleur des nuits
Chantemort fleur des pois
Pleurivresse fruit de l’aube
Pleurétreinte fruit des yeux
Pleuraccueil fruit des mains
Pleurémoi fruit des lèvres
Pleurez-moi fruit du temps.
Sources :