Sous le signe de la pomme

Dans le calendrier républicain français, le 1er jour du mois de brumaire, souvent notre 22 octobre, était dénommé jour de la pomme.

Admirons sa perfection formelle entre les doigts de la Vénus d’Arles de Praxitèle, exposée au Louvre :

Bien qu’elle nous semble un antique de référence, cette statue en marbre, découverte en 1651 près du théâtre antique d’Arles, n’est qu’une copie romaine datant de la fin du Ier siècle av. J.-C. Elle serait imitée d’un original connu sous le nom d’Aphrodite de Thespies, sculptée par le Grec Praxitèle trois siècles plus tôt.

François Girardon l’a restaurée, lui apportant divers ajouts en marbre de Carrare, dont le bras droit tenant une pomme. À cette époque, le débat faisait rage pour déterminer s’il s’agissait d’une Vénus, d’une Diane ou même d’une femme sortant du bain. Mais Louis XIV a penché pour Vénus, ne serait-ce que parce qu’une Diane était déjà prévue pour la grande galerie de Versailles !

La pomme d’or de la discorde

Éris, déesse de la Discorde, qui n’a pas été invitée aux noces de Pélée et Thétis sur l’Olympe, se venge en jetant une pomme d’or avec la mention « À la plus belle ».

Trois déesses revendiquent alors le fruit : la déesse-mère Héra, la déesse de la guerre Athéna, et celle de l’amour, Aphrodite. Afin de mettre un terme à la dispute, Zeus décide de s’en remettre au jugement d’un jeune berger, Pâris. Il accorde finalement la pomme à Aphrodite, qui lui a promis l’amour de la plus belle femme du monde, Hélène, femme du roi Ménélas. Ce choix funeste prélude à la guerre de Troie.

Lors de l’exposition consacrée à Botticelli par le musée Jacquemart-André il y a deux ans, un grand tableau peint avec son atelier vers 1482-1485 retenait l’attention :

La pomme y occupe une place centrale. On peut y lire, en lettres capitales : « Pulchriori detur » (latin hasardeux qui signifie « qu’on la donne à la plus belle »).

Les déesses, toutes de grâce botticellienne, ne sont pas accompagnées de leurs attributs habituels et sont vêtues comme des femmes du Quattrocento.

Cranach, vers 1528, offre au moins deux versions de la scène mythologique. Lui représente les déesses nues, seulement parées des bijoux et coiffures élaborées qui font son style :

C’est Mercure qui tient la pomme convoitée, devenue ici globe de verre.
Depuis le ciel, Éros vise Aphrodite de sa flèche.

Au Louvre encore, on constate que Watteau opte pour une composition très originale :

Héra, escortée de son paon, tourne déjà le dos à la scène. Athéna porte casque et lance et semble se protéger de son bouclier. Pâris, l’air intimidé, tend la pomme dorée à une Aphrodite qui, aidée d’Éros, offre sa nudité tout entière. La grimace de la Gorgone, dont le regard pétrifie, souligne le scandale d’un tel dévoilement.

Prenez donc garde à qui vous offrirez une pomme !

Mes cartes buissonnières, elles, prennent la pose sur une « Pomme glossy », rutilante sculpture en bois brûlé de Natacha Heitz :

Sources :

« Vénus d’Arles » – fiche Wikipédia très nourrie

« Jugement de Pâris »

« Botticelli croque la pomme de la discorde »

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