Sous le signe de la mandragore

Dans le calendrier républicain français, le 21e jour du mois de ventôse, souvent notre 11 mars, était dénommé jour de la mandragore.

J’ai découvert l’existence de cette plante lorsque j’étais adolescente à la lecture de Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. Ce grand conteur et remanieur de mythes en appelle au Cantique des cantiques et à des croyances médiévales :

« « Les mandragores feront sentir leur parfum », promettait la jeune épousée. Était-il possible que Speranza tînt cette promesse biblique ? Il avait entendu raconter merveille de cette solanacée qui croît au pied des gibets, là où les suppliciés ont répandu leurs ultimes gouttes de liqueur séminale, et qui est en somme le produit du croisement de l’homme et de la terre. Ce jour-là, il se précipita à la combe rose et, agenouillé devant l’une de ces plantes, il dégagea sa racine très doucement, en creusant tout autour avec ses deux mains. C’était bien cela, ses amours avec Speranza n’étaient pas demeurées stériles : la racine charnue et blanche, curieusement bifurquée, figurait indiscutablement le corps d’une petite fille. Il tremblait d’émotion et de tendresse en replaçant la mandragore dans son trou et en ramenant le sable autour de sa tige, comme on borde un enfant dans son lit. »

Cette légende vient des longues racines de la mandragore, dont les ramifications semblent avoir forme humaine.

Les enlumineurs médiévaux n’hésitent d’ailleurs pas à représenter un véritable personnage avec des feuilles qui lui sortent de la tête, comme dans Gart der Gesundheit, un herbier de 1485 :

On retrouve la mandragore dans le Tacuinum sanitatis, ce manuel sur la santé inspiré d’un traité médical arabe, ici dans une version du XVe siècle qui en montre la récolte :

Le hurlement de la mandragore

L’illustration fait droit à une autre croyance médiévale : lorsqu’on l’arrache du sol, la mandragore pousserait un cri si effroyable qu’il pourrait rendre fou et même exposer à la mort.

C’est pourquoi on recommandait de se boucher les oreilles avec de la cire et d’attacher la plante à un chien afin que la malédiction s’abatte sur lui !

Plus proche de nous, la saga Harry Potter fait de la mandragore un remède à la pétrification. Quand on la dépote, on fait surgir un bébé fripé qui hurle de façon stridente. Ne pas oublier ses protège-oreilles pour ne pas s’évanouir !

Nul risque de cri meurtrier ni de malédiction avec la douceur bleutée de ma carte buissonnière !

Sources :

« Mandragore » – fiche Wikipédia

« La mandragore, iconographie d’un mythe botanique »

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