C’est le jour du citron !
L’an passé, j’évoquais les natures mortes du Siècle d’or hollandais et leurs citrons à demi pelés dont la peau se déroule en spirale.
Cet art de la nature morte se perpétue chez un peintre comme Manet.
Le citron y accompagne poissons ou huîtres de son jaune vif :
On retrouve la pelure en spirale dans deux portraits de 1866 où sa présence est bien plus étonnante, La Femme au perroquet et le Portrait de Zacharie Astruc :
Deux ans plus tard, le Portrait de Théodore Duret comporte un citron entier posé sur un verre :
Dans son Histoire de Édouard Manet et de son œuvre, le modèle raconte l’insatisfaction du peintre devant ce tableau d’abord « tout entier dans les gris ». Il nous apprend ensuite que Manet lui demanda de poser de nouveau, avant d’ajouter un tabouret et son dessus d’étoffe grenat, un livre vert clair, puis un plateau de laque, une carafe, un verre et un couteau.
« Tous ces objets constituèrent une addition de nature morte, de tons variés, dans un angle du tableau, qui n’avait aucunement été prévue et que je n’avais pu soupçonner. Mais après il ajouta un objet encire plus inattendu, un citron sur le verre du petit plateau. »
Duret en déduit : « Il lui manquait les couleurs, qui pussent contenter son œil, et ne les ayant pas mises d’abord, il les avait ensuite ajoutées sous forme de nature morte. (…) En examinant depuis ses tableaux, à la lueur que le complément apporté à mon portrait m’avait donnée, j’ai retrouvé partout cette même pratique d’addition de parties claires, où il surélève, pour ainsi dire la note du coloris, à l’aide de quelques tons tranchés et à part des autres. »
Le citron est donc là pour sa touche vive et lumineuse.
Dans les dernières années de sa vie, Manet peint une série de natures mortes avec un seul motif dégagé de tout contexte, comme une épure de pomme, d’asperge, ou de citron :
Le tableau semble simple, mais admirez la lumière qui en émane et les reflets de jaune sur le plat métallique.
Pour célébrer le citron, le « Jaune de Cadmium Citron » (Pigment PY35, un sulfure de cadmium et zinc) s’imposait, d’autant que Manet, comme Monet, utilisa beaucoup le jaune de cadmium :