Esmayons-nous !

Dans le tome Vert de sa remarquable histoire des couleurs, Michel Pastoureau nous explique comment, au Moyen-Âge, on s’esmayait pour accueillir le mois de mai.

« Planter le may »

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, il convenait de couper et planter le may, ce qui signifie rapporter une branche ou un arbuste et le planter sur la place du village, décoré de boules rouges ou de guirlandes, comme l’illustre Jean Bourdichon pour le mois de mai des Grandes Heures d’Anne de Bretagne :

On pouvait également le planter devant la porte ou la fenêtre d’une demoiselle, le choix de l’essence adressant un message : le tilleul aux feuilles en forme de cœur fait office de déclaration d’amour, le rosier célèbre la beauté et l’aubépine la pureté de la jeune fille. En revanche, le sureau, à l’odeur déplaisante, signale un tempérament volage !

Dans son sonnet « Le Mai », François Béroalde de Verville (1556-1626) joue volontiers de l’équivoque :

Maintenant que l’Amour renaît heureusement
Et qu’à ce beau printemps il commande qu’on plante
D’un Mai long et dressé la désirable plante
Il faut suivre l’arrêt de son commandement.

J’ai un Mai long et gros et fort également,
Poussant devers le haut une verdeur plaisante,
Qui frisonne sa cime en tout temps verdoyante
Et qui se peut planter assez facilement.

Ma dame, permettez que l’on m’ouvre la porte,
Et je le planterai sur la petite motte
Qui de votre maison remarque le milieu ;

Je le mettrai tout droit dessous votre croisée
Où en petits frisons la terre relevée
Fait l’endroit plus plaisant qui soit en tout le lieu.

« Porter le may »

Il fallait également porter le may, c’est-à-dire un élément de verdure sur sa tenue, elle-même souvent de couleur verte. C’est ce que l’on peut admirer pour le mois de mai du calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry où un noble cortège de retour de la forêt voisine se pare de couronnes et colliers de feuilles :

Gare à ceux qui sont « pris sans verd » ! Ils subiront moqueries et brimades.

Ces coutumes printanières sont évoquées dans cette ballade de Charles d’Orléans (1394-1465) :

Trop long temps vous voy sommeillier,
Mon cueur, en dueil et desplaisir ;
Vueilliez vous, ce jour, esveillier :
Alons au bois le may cueillir,
Pour la coustume maintenir.
Nous orrons des oyseaulx le glay
Dont ilz font les bois retentir,
Ce premier jour du mois de May.
Le Dieu d’Amours est coustumier,
A ce jour, de feste tenir,
Pour amoureux cueurs festier
Qui desirent de le servir ;
Pour ce fait les arbres couvrir
De fleurs et les champs de vert gay,
Pour la feste plus embellir,
Ce premier jour du mois de May.

De crainte de me retrouver « prise sans verd », j’ai adopté le « vert gay » pour mes cartes buissonnières :

Source :

PASTOUREAU Michel. Vert – Histoire d’une couleur. Paris : Seuil, 2013. pp.68-70

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