Dans le calendrier républicain français, le 23e jour du mois de brumaire, souvent notre 13 novembre, était dénommé jour de la garance.
Les petites fleurs de la garance des teinturiers (Rubia tinctorum) sont jaunes et cèdent la place à des baies noires, comme on le voit sur cette illustration de la fin du XVIIIe siècle :
On l’a longtemps cultivée pour l’alizarine et la purpurine extraites de ses rhizomes. Ces colorants naturels avaient la propriété de donner aux tissus une belle teinte rouge.
On peut ainsi admirer des tubes à essai de garance et des flacons de laque dans la Galerie de Botanique du Jardin des Plantes de Paris :
Dans le tome Rouge de sa remarquable histoire des couleurs, Michel Pastoureau suppose qu’elle fut « le premier colorant utilisé », en se gardant bien d’affirmer à quelle date et en quel lieu.
Au temps de l’Empire romain, c’est devenu « une véritable activité industrielle » établie dans la vallée du Rhône, la plaine du Pô, le nord de l’Espagne, la Syrie, l’Arménie, le golfe Persique.
En France, la culture atteint son apogée au XIXe siècle, essentiellement dans le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône.
Un décret du 27 juillet 1829 avait même ordonné l’adoption du pantalon rouge par les fantassins, au motif que le rouge Andrinople était plus économique que l’indigo et mettait en valeur le soldat.
Jusqu’au début de la Première Guerre mondiale, on teignait ainsi en rouge avec la garance les pantalons et képis des uniformes de l’armée française.
On lui préféra ensuite le bleu horizon, un bleu-gris pâle, certes plus terne, mais moins visible pour l’ennemi !
Mais ce sont les progrès de la chimie qui mirent fin à l’exploitation de la plante tinctoriale, concurrencée par des colorants de synthèse.
Pour lui rendre hommage, j’ai choisi un magnifique papier lokta rouge :
PASTOUREAU Michel. Rouge – Histoire d’une couleur. Paris : Seuil, 2016. Chapitre « Teindre en rouge », p. 38.
Exposition « La couleur au cœur des plantes – La palette secrète du Jardin du Luxembourg », du 1er mai au 30 septembre 2023