Sous le signe de l’aubépine

Dans le calendrier républicain français, le 4e jour du mois de floréal, souvent notre 23 avril, était dénommé jour de l’aubépine.

L’aubépine appartient au genre Cratægus, nom scientifique latin dérivé du grec κράτος (krátos, « force ») en raison de la dureté du bois.

Ces arbustes forment des haies robustes que leurs épines protègent des animaux.

Au printemps, ils se couvrent de fleurs blanches, roses ou rouges, particulièrement délicates.

En automne, ces fleurs se transforment en petits fruits rouges, appelés cenelles, qui font le régal des oiseaux.

Amédée Masclef, Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales, 1891 – © gallica.bnf.fr / BnF

Depuis l’Antiquité, l’aubépine symbolise la pureté virginale. Les chrétiens l’ont ensuite associée à la Vierge Marie, ses épines rappelant la couronne du Christ, dont les gouttes de sang teinteraient encore les étamines de la fleur.

C’est d’ailleurs au mois de mai, consacré à Marie, que le narrateur de La Recherche se prend de passion pour les aubépines et leur « solennité mystique » :

« Je le trouvai [le chemin] tout bourdonnant de l’odeur des aubépines. C’est au mois de Marie que je me souviens d’avoir commencé à aimer les aubépines. N’étant pas seulement dans l’église, si sainte, mais où nous avions le droit d’entrer, posées sur l’autel même, inséparables des mystères à la célébration desquels elles prenaient part, elles faisaient courir au milieu des flambeaux et des vases sacrés leurs branches attachées horizontalement les unes aux autres en un apprêt de fête, et qu’enjolivaient encore les festons de leur feuillage sur lequel étaient semés à profusion, comme sur une traîne de mariée, de petits bouquets de boutons d’une blancheur éclatante. Mais, sans oser les regarder qu’à la dérobée, je sentais que ces apprêts pompeux étaient vivants et que c’était la nature elle-même qui, en creusant ces découpures dans les feuilles, en ajoutant l’ornement suprême de ces blancs boutons, avait rendu cette décoration digne de ce qui était à la fois une réjouissance populaire et une solennité mystique. Plus haut s’ouvraient leurs corolles çà et là avec une grâce insouciante, retenant si négligemment comme un dernier et vaporeux atour le bouquet d’étamines, fines comme des fils de la Vierge, qui les embrumait tout entières, qu’en suivant, qu’en essayant de mimer au fond de moi le geste de leur efflorescence, je l’imaginais comme si ç’avait été le mouvement de tête étourdi et rapide, au regard coquet, aux pupilles diminuées, d’une blanche jeune fille, distraite et vive. »

« La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir ; au-dessous d’elles, le soleil posait à terre un quadrillage de clarté, comme s’il venait de traverser une verrière ; leur parfum s’étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j’eusse été devant l’autel de la Vierge, et les fleurs, aussi parées, tenaient chacune d’un air distrait son étincelant bouquet d’étamines, fines et rayonnantes nervures de style flamboyant comme celles qui à l’église ajouraient la rampe du jubé ou les meneaux du vitrail et qui s’épanouissaient en blanche chair de fleur de fraisier. »

Marcel Proust, Du côté de chez Swann

Sources :

« Aubépine » – fiche Wikipédia

« L’aubépine » – herbier de Gallica

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